Jeunes enfants : quels jouets leur offrir à Noël ?

En cette période, les rayons des magasins de jouets sont généreusement garnis.
Pour les parents, l’offre est immense, et les promesses éducatives, alléchantes.
Jeux de construction, personnages, voitures, poupées, cuisines, fermes, dinettes, et les fameuses tablettes à la mode, comment faire son choix ?
Nous vous proposons ici quelques pistes de réflexion, basées sur nos constatations cliniques et les échanges que nous avons fréquemment avec des parents de jeunes enfants au sein de nos cabinets d’orthophonie, mais aussi lors de nos interventions extérieures (1).

Que peut faire l’enfant avec ce jouet ?

Les étiquettes et les publicités promettent souvent des apprentissages : les nombres, les couleurs, les lettres, l’anglais etc.
Seulement voilà, ce n’est pas l’objet en lui-même qui apprend quelque chose à l’enfant. Nous citons régulièrement Jean Epstein (2) : « l’enfant ne joue pas pour apprendre, il apprend parce qu’il joue ».
Un enfant entre un jour dans les apprentissages si il a eu l’occasion d’expérimenter au travers de situations de jeux variées qu’il a lui même inventées, crées avec de vrais objets, dans des moments de plaisir. Il a besoin d’être accompagné d’un adulte, qui s’émerveille de ses découvertes et productions, et qui met le monde en mots.
Le jeune enfant doit pouvoir déplacer, regrouper, éparpiller, mettre dedans, transporter (entre autres !) pour pouvoir un jour organiser des petits scenarios de jeux et les raconter.

Je lui ai offert un jouet super cher et il a passé plus de temps à jouer avec le carton d’emballage !

Cela doit nous questionner sur le véritable besoin de l’enfant selon son âge et son développement. Par exemple, vers 12-18 mois, un enfant peut être passionné par le papier, qu’il a besoin de toucher, froisser, déchirer, mettre en bouche parfois ! Il aura besoin de répéter ces actions de nombreuses fois avant de pouvoir un jour regarder le papier comme support pour autre chose (livre, dessin, découpage). Un autre pourra être complètement absorbé par l’action d’essayer d’entrer lui-même dans un carton de grande taille, ou mettre son doudou dans la boite du camion qu’il vient de recevoir et qu’on avait passé 2 heures à choisir soigneusement ! Ce qui ne l’empêchera pas, en parallèle, ou un peu plus tard d’adorer jouer avec ce camion.
Avant d’acheter les jouets, prenons un temps avec l’enfant, regardons attentivement ce qui le passionne et orientons nos cadeaux en fonction. Soyons nous-mêmes créatifs dans nos cadeaux : inventons des assortiments, des boites composées nous mêmes de petits objets sélectionnés selon son besoin, son envie : des gommettes en grande quantité, des petits contenants de tailles différentes, des petits personnages, des animaux. Autant d’objets que l’enfant pourra organiser à sa guise, mettre dans des sacs différents, transporter et installer sur des supports différents.

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Toute la famille me demande quoi lui offrir, je suis à court d’idées :

Le nombre des jouets fait-il la variété du jeu ?
Nous observons que beaucoup d’enfants ont à leur disposition de très nombreux objets, mais les parents se plaignent qu’ils jouent une fois avec un jouet et le mettent de côté.
Nous verrons dans cet article que de nombreux jouets proposés dans le commerce sont très pauvres en matière d’explorations possibles.
Il est important que l’enfant ait à sa disposition des collections d’objets (au moins une trentaine) qui soient pareils (ex : des voitures, des animaux, des aliments de dînette), soit strictement identiques, soit de la même catégorie mais avec des différences (des petits, des grands, des couleurs et des formes différentes), ce qui lui permettra de les mettre dans des contenants, les transporter, les organiser selon des critères différents qu’il aura besoin un jour de nommer….c’est là qu’apparaissent par exemple, les adjectifs de couleurs ! Qu’il ait le droit de les organiser à sa façon, même pour le rangement, afin qu’il ait la possibilité de retrouver plus tard ce qu’il avait lui même fait (si l’adulte range tout à sa façon ou fait disparaître des organisations, l’enfant a du mal à établir certains liens logiques).
Et n’oublions pas que l’enfant a besoin de jeux, mais surtout d’interactions, véritables, avec des humains.  Pourquoi ne pas lui offrir du temps passé avec lui, l’emmener à de petits spectacles ? La magie de Noël opérerait un peu plus longtemps ! Que le cadeau ne soit pas immédiat pourra être une occasion pour lui de construire la notion de temps à travers le langage, et de se représenter le bon moment à venir à travers les mots.

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Les piles, ce compagnon désormais indispensable de tout jouet :

Malheureusement, les jeux qui clignotent, font du bruit ou disent des mots en appuyant sur un bouton risquent de maintenir l’enfant dans une pensée « littérale » et simpliste. Cela conforte l’enfant dans l’idée qu’une action n’a qu’un effet possible (ex : quand j’appuie sur tel bouton, ça fait tel bruit). Que l’enfant possède un ou deux jouets de ce genre parce que c’est rigolo ou dans l’air du temps, bien d’accord, mais il doit avoir à sa disposition des sources de stimulation plus riches ! Où sa pensée est interrogée dans tous les sens, et où le résultat n’est pas toujours le même !
Et puis quand la pile est usée, laissons lui le jouet à disposition avant de la remplacer et voyons comment il le détourne et le réutilise autrement !

« Les livres interactifs enchantés »

Encore une fois, ça n’est pas l’histoire en elle-même qui apporte quelque chose à l’enfant.
Le rituel de l’histoire, quand on s’installe ensemble, pour vivre un moment de partage, quand on joue avec l’intonation de nos voix, quand on échange des regards, des câlins, du plaisir, qu’on se donne le droit de feuilleter ce livre à l’endroit, à l’envers, d’en observer les dessins, d’en suivre les mots avec son doigt….c’est toute cette dimension qui nourrit l’enfant. Avouez que c’est plus interactif et constructif qu’une voix synthétique déclenchée par un bouton, 3 pages en plastique et deux animaux collés dessus qui font pouet pouet !
Il existe des livres et albums formidables pour enfants, même jeunes ! Évitons cependant les produits dérivés (personnages de dessins animés et séries télévisées), qui sont souvent d’un niveau de langage pauvre, et d’abord faits pour être traduits et vendus dans toutes les langues.

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Cuisiniers, bricoleurs, vétérinaires et autres nourrices en herbe !

A partir de 2 ans, 2 ans 1/2, tous les jouets d’imitation et de « faire semblant » sont une mine de situations de jeux et de langage ! Fille ou garçon, offrons lui ceux qui lui plaisent.  Attention tout de même aux répliques miniatures « trop fidèles » d’objets d’adultes, qui sont souvent des supports publicitaires pour la marque plus que des objets permettant une réelle exploration à l’enfant. Laissons aussi la possibilité à l’enfant de diversifier son jeu en l’enrichissant d’objets « autres » et qui pourraient parfois nous paraitre farfelus. Si nous ne comprenons pas toujours le sens de ce que fait l’enfant, il est en train de vivre et de comprendre quelque chose d’important pour lui !

Les tablettes pour bébé :

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Si vous nous suivez, vous connaissez déjà notre avis sur la question ! 
J’invite les autres à nous lire ici ou à nous suivre sur notre page Facebook où nous publions de nombreux articles sur le sujet. (3)

Deux rappels :
– les enfants ne devraient pas être exposés aux écrans avant l’âge de 3 ans (cf page 14 du nouveau carnet de santé) . Ensuite, le temps d’écran doit être limité, accompagné, et ne doit en aucun cas être la principale source de stimulation de l’enfant.
– des enfants présentant des retards de langage oral, écrit, des difficultés pour les apprentissages comme le calcul, des problèmes au niveau de la sémiotisation, de la compréhension, de l’attention  (en dehors de toute pathologie) nous arrivent de plus en plus jeunes et de plus en plus massivement dans nos cabinets d’orthophonie. C’est un inquiétant constat que font d’autres professionnels de l’enfance et des enseignants (4). Or, il s’avère que parmi ces enfants, beaucoup ont été principalement stimulés par des écrans (tablettes pour bébés, télé, jeux vidéo, appli Smartphone) et ce, au détriment du JEU LIBRE, qui joue un rôle fondamental et prouvé sur le développement global, mais dont le temps a considérablement diminué dans la vie de nos tout-petits et de nos plus grands ( pour en savoir plus : infographie et article ). Leur permettre d’y être exposés pendant quasiment tout leur temps libre, c’est donc aussi et surtout leur voler tout ce temps nécessaire d’expérimentation, d’essais, d’erreurs, de mises en liens, de compréhension des situations, de recherches en eux mêmes, et avec les adultes qui interagissent avec eux d’idées, de solutions, de nouveaux jeux, et de mots pour raconter tout ça.

Et à ceux qui nous rétorquent que nous sommes dans l’ère numérique, et que plus tôt l’enfant y est exposé, plus tôt il s’habitue et maîtrise la chose, nous répondons que c’est un argument du marketing qui se soucie peu des réels besoin de l’enfant pour se construire, et qu’en réalité, il se passe exactement le contraire. Si vous voulez qu’un enfant puisse un jour utiliser ces objets numériques comme des outils, permettez lui déjà de développer sa pensée concrète en comprenant le monde qui l’entoure. Nous observons des enfants qui restent prisonniers de l’objet (voire dépendants) qui n’en sont pas maîtres !
Avons-nous fourni une voiture à chaque enfant depuis l’ère du moteur automobile afin qu’il sache la conduire plus tôt ?
Rappelons que Steve Jobs lui-même refusait que ses enfants possèdent le moindre écran, convaincu que les compétences nécessaires à l’utilisation optimale du numérique se construisent en dehors des écrans. (5)

Elsa Job-Pigeard
Orthophoniste et co-fondatrice de joue Pense Parle

Notes :

Nous ne pouvons que vous conseiller l’excellent livret « à quoi on joue » réalisé par nos consœurs d’op 17 (orthophonie et prévention), téléchargeable gratuitement ici :
http://op17.fr/projet-a-quoi-on-joue/

(1) nous menons des actions de prévention, comme des ateliers parents, ou des conférences

(2) Jean Epstein, psychosociologue, auteur entre autres de « l’explorateur nu » et « le jeu enjeu »

(3) https://www.facebook.com/JouePenseParle/?fref=ts

(4) http://www.lemonde.fr/sciences/article/2015/09/14/les-tablettes-a-eloigner-des-enfants_4756882_1650684.html

(5) http://www.francetvinfo.fr/monde/ameriques/ces-patrons-de-la-silicon-valley-qui-interdisent-la-high-tech-a-leurs-enfants_695203.html

1 réaction sur “ Jeunes enfants : quels jouets leur offrir à Noël ? ”

  1. FAURE Réponse

    J’ai quelques idées de jeux plus sympas que les écrans pour bébé 😉
    je vous partage donc mon site internet
    ww;faurethegame.fr
    Ludiquement votre

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